La maladie est encore un sujet tabou dans les entreprises.
Elle est entourée de silence et de secret.
Cet état de fait peut d’ailleurs parfaitement s’expliquer par la nécessité de protéger la vie privée des dirigeants et des collaborateurs mais aussi de sauvegarder le capital de confiance dont jouit l’entreprise auprès de ses différentes parties prenantes (salariés, partenaires, actionnaires, banquiers, grands comptes clients) et qui pourrait être entamé à l’annonce de l’indisponibilité de l’un de ses hommes-clés en cas de maladie.
La maladie est une affaire privée. Mais elle projette ses effets sur l’univers professionnel.
En France, le taux d’absentéisme dans le secteur privé était de 4,59% en 2016 [1]. Même si la maladie ne représente qu’une fraction de ces absences, les coûts directs qu’elles entraînent sont élevés : plus de 10 milliards d’euros d’indemnités journalières versées par l’Assurance maladie dont 40% pour les arrêts de travail de plus de six mois qui ne représentent que 5% des arrêts. Pour l’entreprise, la maladie entraîne des coûts directs (délai de carence, maintien du salaire pendant l’absence, complément par rapport aux indemnités journalières…), mais aussi un certain nombre de « coûts cachés » dont il ne faut pas sous-estimer l’importance : remplacement du collaborateur, coûts de gestion et des dysfonctionnements d’organisation. Ces coûts indirects, selon les évaluations, représentent entre deux et quatre fois les coûts directs.
Pour l’entreprise, l’impact négatif le plus évident est naturellement l’indisponibilité d’un collaborateur ou du dirigeant, pour une période qui est souvent difficile à évaluer mais qui, dans le cas d’une maladie grave, peut-être longue. Et au titre des autres problèmes mal mesurés, voire à peine perçus ; les problèmes de santé de son conjoint, de ses enfants, de ses parents et beaux-parents, qui entraînent des tensions entre vie privée et vie professionnelle.
Une absence forcée peut être génératrice de coûts supplémentaires et peut surtout priver l’entreprise de compétences essentielles à sa bonne marche.
Cette absence forcée peut être génératrice de coûts supplémentaires mais peut surtout priver l’entreprise de compétences essentielles à sa bonne marche, en entraînant une baisse des ventes ou une chute des marges. Mais même lorsque la maladie n’entraîne pas une indisponibilité physique, elle est facteur d’inconfort, voire d’angoisse. Elle peut aussi entraîner des absences répétées pour des examens ou des traitements, provoquer fatigue et dépression qui ont un impact sur la disponibilité psychologique d’un collaborateur ou d’un dirigeant et donc sur l’efficacité globale de l’entreprise.
Comment réduire ces facteurs de risque ?
Il faut travailler sur la source d’angoisse majeure en cas de maladie : comment s’assurer que les médecins auxquels on s’adresse et les traitements préconisés sont les plus adaptés ? La médecine vit aujourd’hui une vaste révolution technologique, à la fois dans les outils de diagnostic et dans les modalités de traitement. Le problème est que cette information est très inégalement partagée, par les patients et parfois aussi par les professionnels. De facto hors du circuit de l’accès à la bonne information, le patient est plongé dans l’incertitude. Un diagnostic mal posé, un traitement mal adapté, peuvent entraîner un allongement considérable de la durée des soins et parfois leur inefficacité. Cela oblige à de nouveaux cycles de consultations et de traitements, au risque de prolonger considérablement l’inconfort et l’indisponibilité d’un collaborateur.
Un service d’accompagnement santé pour tous les salariés
L’entreprise, dans le rôle qui est le sien, et dans le strict respect de la vie privée de ses collaborateurs, pourrait ainsi mettre à leur disposition un service d’accompagnement santé leur assurant l’accès, en toute confidentialité, aux meilleurs spécialistes et aux traitements les plus en pointe en cas de survenance d’une maladie, pour eux-mêmes et leur famille. Cet accompagnement, prenant la forme d’une mise à disposition par l’entreprise d’un « aiguilleur santé », serait de nature à rassurer les collaborateurs et à diminuer les conséquences néfastes de la maladie sur le fonctionnement de l’entreprise.
A l’heure où la qualité de vie au travail prend de plus en plus d’importance, renforcer l’égalité de tous les collaborateurs face à la santé serait sans doute un facteur-clé de succès et d’attractivité.
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Par Florian Reinaud, médecin, fondateur de Concilio, start-up de e-santé, spécialisée dans l’accompagnement médical personnel.
[1]>Etude Ayming/AG2R La Mondiale basée sur les données de 82 000 entreprises, représentant 1,7 millions de salariés.
Source : tribune libre publiée dans l’Opinion.fr le 06 novembre 2017