Mélissa et sa fille Maïa : vivre avec une maladie rare (KCNB1)

Mélissa et sa fille Maïa : vivre avec une maladie rare
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Mélissa, maman de 37 ans, nous parle de sa fille Maïa et de son combat quotidien pour faire reconnaitre et mieux diagnostiquer la maladie rare de la mutation du gène KCNB1.
Son mantra : surtout ne jamais baisser les bras !

« Je m’appelle Mélissa et suis maman d’une petite fille de 9 ans. Quand elle est née, Maïa était un beau petit bébé. Mais assez tôt, son papa qui est médecin a été interpellé par un retard de développement. Lorsqu’elle a eu 18 mois, la crèche nous a alerté sur le fait qu’elle était hypotonique (manquait de tonus musculaire) et relativement passive, un comportement anormal pour son âge. Tous ces symptômes nous ont fait pencher vers un léger trouble autistique.

Habitant Paris à l’époque, nous avons démarré des séances de psychomotricité et d’orthophonie plusieurs fois par semaine, et fait réaliser des premiers examens génétiques caryotype/génotype en parallèle, qui n’ont pas révélé de problèmes particuliers. Maïa avait 2 ans et demi, elle était hyperactive, papillonne beaucoup, ne manifeste aucun intérêt pour les jeux. Son attention est brève, les progrès sont moindres. Avec son papa, on s’est demandé : est-ce qu’on lui donne toutes les chances de progresser ? Est-ce qu’on lui permet vraiment d’aller mieux ?

La maladie au quotidien

C’est à ce moment que nous avons déménagé de Paris. Nous avons eu connaissance d’une méthode américaine appelée méthode 3i basée sur la stimulation de l’enfant par le jeu, que nous avons mise en place. Il y a eu jusqu’à 30 bénévoles qui se relayaient à domicile pour venir jouer avec elle dans la salle d’éveil mise en place à la maison. Cet espace permet à Maïa de ne pas perdre ses repères et de mieux se concentrer en éliminant les sources de distractions. En tant que parents, nous avons commencé à devenir un peu kiné, un peu ergothérapeute, un peu psychomotricien, un peu professeur aussi car nous faisions l’école à domicile… En parallèle bien sûr elle était suivie sur Paris par des médecins spécialisés, un pédopsychiatre etc.
Durant 3 mois, Maïa a fait des progrès extraordinaires. Nous réussissions à garder son attention, elle était capable d’imiter les bruits des animaux, de comprendre des ordres simples. Nous étions très heureux de cette évolution.

Puis un jour, alors qu’elle avait 3 ans et demi, elle s’est mise à avoir des comportements anormaux : passer de longs moments à rêvasser, être prise de vomissements… Maïa étant dans l’incapacité de parler, elle ne pouvait pas nous dire ce qui se passait. Un soir, à l’heure du bain, elle s’est mise à se raidir complètement et ses lèvres sont devenues bleues. Nous avons fait venir l’ambulance pour la transporter d’urgence à l’hôpital. C’est à ce moment qu’on nous a annoncé qu’elle faisait une crise d’épilepsie.

Là, tout s’est effondré pour moi. L’épilepsie, ça vous foudroie. Sur une petite fille comme Maïa, rien ne vous prévient que ça va arriver. La crise d’épilepsie, ce n’est pas ça qui fait peur, ça ne tue pas directement, mais la chute oui ! Et les crises d’épilepsie à répétition peuvent tuer et finissent par faire perdre toutes les acquisitions…
Une autre crise est arrivée 6 mois plus tard. De mensuelles, ses crises sont passées à hebdomadaires, d’hebdomadaires à quotidiennes, puis à multiquotidiennes, pour atteindre jusqu’à 50 crises par jour.
Il faut savoir qu’il y a différents types d’épilepsie : tonico clonique celle qu’on imagine quand on parle d’épilepsie avec chute, perte de connaissance, membres qui se raidissent etc, mais aussi la myoclonique qui se caractérise par une contraction soudaine et très courte des bras par exemple, certaines même qui ne se voient pas, qui provoquent simplement des sortes d’absences. Nous avons testé différents traitements (médicamenteux, corticothérapie, régime cétogène très contraignant, opération chirurgicale…) tous sans réelle amélioration à long terme.

En 2016, après plusieurs années de recherche et traitements inefficaces, nous avons alors demandé de nouveaux tests génétiques. La recherche avance continuellement et Maïa répondrait peut-être cette fois-ci à une mutation découverte récemment. Et c’est là que le diagnostic est tombé. Maïa est atteinte d’une mutation du gène KCNB1. Elle est alors âgée de 6 ans et demi.

Du diagnostic au programme de recherche

Cette « maladie » qui perturbe le fonctionnement des canaux potassiques au niveau du cerveau, a été découverte à peine 1 an et demi avant, faisant de Maïa la première patiente française à être atteinte. Ce que nous confirme le neuro-pédiatre spécialisé vers qui nous avons été orientés. Sa conclusion : « si vous arrivez à trouver 10 enfants atteints, nous pourrons faire quelque chose. » À l’annonce de cette nouvelle, j’ai beaucoup pleuré. Je ne peux pas me dire que ma fille est malade et qu’on ne peut rien faire contre ça.

À la sortie de ce rendez-vous, je prends conscience qu’il faut que je sois à l’initiative de l’action. Je prends alors la décision de créer une association, une page spéciale KCNB1 sur les réseaux sociaux, me rapproche d’un blog américain qui recense déjà une dizaine de famille de patients KCNB1 et j’entreprends de faire la même chose en France. Je poste des messages sur tous les forums traitant de maladies rares. Par tous ces biais, je réussis à entrer en relation avec des familles françaises : des mamans dans la même situation que moi, dont les enfants ont été diagnostiqués KCNB1.
Nous créons l’association KCNB1 France en août 2017. Je rappelle le Dr Nabbout, la neuro-pédiatre spécialisée dans l’épilepsie de l’enfant, pour la prévenir que nous avons réussi à rassembler 8 ou 9 familles. Suite à cela, l’hôpital Necker organise la première journée de rencontre française sur la mutation du gène KCNB1, avec l’aide du Dr Edor Kabashi, chercheur en génétique de l’institut Imagine, qui réunit toutes les informations que l’on a sur cette « maladie » et des consultations avec des praticiens spécialisés. On nous annonce aussi qu’un programme de recherche est enfin lancé !

L’association KCNB1 : s’unir pour mieux combattre la maladie

Quand je vois le chemin parcouru, je réalise que je n’ai pas lancé cela toute seule. Nous avons déplacé des montages pour nous trouver, puis pour faire avancer les choses. Aujourd’hui si nous n’étions pas là pour nous battre, pour intéresser les médecins et les chercheurs, leur dire que nous sommes prêts à agir et à collaborer, il ne se passerait rien ! Nous sommes maintenant en contact avec 65 familles à travers le monde. Ça paraît petit mais c’est énorme pour une pathologie aussi rare !
Nous bénéficions maintenant d’une équipe dédiée au sein de l’hôpital Necker / institut Imagine. Le 30 mars 2019, nous allons aussi organiser la première journée européenne KCNB1 qui réunira 25 familles. Ensemble nous déterminerons les actions à mener au niveau européen afin d’avoir une force de frappe plus importante auprès des laboratoires pharmaceutiques.
L’autre combat que nous menons avec l’association est celui de la prise en charge médicale : à quel type de prise en charge peut-on prétendre quand on n’a pas de reconnaissance médicale ? Comment faire lors des séjours dans les établissements de santé, pour les remboursements, comment remplir les différents dossiers de prise en charge ? Mon enfant est-il qualifié d’autiste ? De poly-handicapé marchant ? Non marchant ?

Aujourd’hui Maïa a 9 ans et demi. Elle ne parle pas, ne peut pas marcher toute seule et doit être accompagnée 24h sur 24. Elle peut courir un peu lorsqu’on lui tient la main et faire du trampoline (le seul endroit où elle peut bouger et s’amuser librement sans se faire mal). Il est hors de question pour moi qu’on lui enlève cela. Mais l’épilepsie a fortement affecté sa capacité musculaire. Maïa rencontre de très grosses difficultés en motricité fine et a besoin d’une ombre en permanence près d’elle, qui la soutienne comme une béquille, qui l’accompagne et l’aide pour tous les gestes du quotidien.

J’ai la chance de pouvoir continuer à travailler, et j’espère continuer à le faire longtemps, mais je me rends bien compte que c’est un luxe aujourd’hui. On court après le temps. Je travaille à 80% du temps, à 50km de chez moi… Maïa est dans une école spécialisée de 9h à 15h45, puis les éducateurs spécialisés prennent le relai à domicile. J’ai la chance d’avoir une famille formidable, notamment ses grands-parents qui s’occupent beaucoup d’elle et également son papa. On peut avoir jusqu’à 5 rendez-vous médicaux par jour !
Même si on a une vie très atypique, je veux faire au maximum tout ce que les parents et les mamans font avec leur enfant : partir en vacances, faire de la trottinette, aller au cinéma… Que Maïa garde sa joie de vivre. Ce qui me porte, c’est me lever chaque jour en me disant que les médecins et les chercheurs travaillent pour ma fille dans l’espoir de trouver un traitement adapté et qu’on la guérisse un jour.

Mon objectif avec l’association est de poursuivre le recensement des cas KCNB1 en France pour informer, fédérer les familles et créer une communauté. Nous avons démarré une levée de fonds pour financier et soutenir toutes ces actions. À force d’amour, ma colère se canalise en énergie pour sauver mon enfant et tous les autres atteints de cette maladie.»

Mélissa et Maïa KCNB1

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